Une rupture générationnelle marquée
Il est intéressant de constater que la génération des baby-boomers, élevée de manière assez stricte et autoritaire, a pris le contre-pied dans l’éducation de leurs propres enfants. J’ai moi-même grandi dans un foyer où l’autorité parentale était une évidence, et je peux témoigner du contraste avec la manière dont les enfants sont aujourd’hui élevés. Selon Avrum Weiss, cette rupture dans les styles parentaux est l’une des causes profondes de ce phénomène. Les baby-boomers, ayant souvent eu des parents peu impliqués, ont voulu compenser en étant très présents dans la vie de leurs enfants. Mais cette approche a un effet inattendu : les enfants n’ont plus la même crainte de leurs parents. Ce qui, autrefois, régulait les relations familiales – la peur du jugement parental – s’est affaibli. Ironiquement, ce sont désormais les parents qui redoutent le rejet de leurs enfants.
L’absence de confrontation saine
Ce changement dans la dynamique familiale a aussi des répercussions sur la manière dont les jeunes adultes gèrent leurs émotions. En discutant avec des amis, j’ai souvent entendu parler de cette difficulté à exprimer la colère ou la frustration envers leurs parents, de peur de rompre des liens. Avrum Weiss explique que l’absence de hiérarchie parent-enfant, où les émotions négatives ne sont plus canalisées par une figure d’autorité, empêche les enfants de trouver des moyens sains de gérer leur colère. Ils finissent par intérioriser ces sentiments, ce qui peut les pousser, en guise de défense, à couper totalement les ponts pour éviter d’affronter cette souffrance.
La thérapie : un facteur de prise de distance ?
Un autre aspect souligné par le psychologue est l’impact de la thérapie sur ce phénomène. Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes adultes consultent des thérapeutes, ce qui est en soi une évolution positive. Cependant, certains thérapeutes, eux-mêmes issus de cette génération de parents baby-boomers, peuvent être mal à l’aise avec les émotions fortes de leurs patients. Au lieu de les aider à surmonter leurs conflits familiaux, ils peuvent, sans le vouloir, encourager une forme d’évitement. Par exemple, une amie m’a confié que sa thérapeute l’avait incitée à prendre ses distances avec ses parents pour « se protéger ». Bien que cela puisse fonctionner à court terme, cela ne résout pas toujours les problèmes sous-jacents, et le lien familial s’en trouve encore plus fragilisé.
Vers une nouvelle forme de relation parent-enfant ?
Nous vivons dans une époque où les relations familiales sont en pleine mutation. La peur de la rupture est omniprésente, que ce soit chez les enfants ou chez les parents. En grandissant avec un sentiment de sécurité, les jeunes adultes d’aujourd’hui n’ont plus les mêmes repères émotionnels que leurs aînés. Les parents, de leur côté, craignent plus que jamais de perdre ce lien précieux. La clé, comme le souligne Avrum Weiss, réside peut-être dans la capacité des deux générations à renouer un dialogue sincère, où chacun accepte d’affronter ses émotions, même les plus inconfortables.
Finalement, ces ruptures ne sont pas une fatalité, mais elles invitent à une réflexion profonde sur l’évolution des dynamiques familiales et sur la manière dont nous pouvons, ensemble, construire des relations plus équilibrées et résilientes.